Au coeur de la nuit, les serveurs.

Chaque week-end, des milliers, voire des millions de français se réunissent dans les quartiers les plus festifs, autour d’un verre afin de décompresser d’une semaine parfois longue et éreintante. C’est un moment convivial, partagé entre amis et qui peut parfois, notamment pour les plus jeunes, s’étendre jusqu’au bout de la nuit. Dans beaucoup de villes, les bars tournent jusque tard dans la nuit et sont propices à la fête, mais également aux débordements qu’elle peut engendrer. Et c’est lorsque la semaine de ces français se termine, que celle de milliers d’autres commence : les serveurs.

Les serveurs sont directement confrontés au monde de la nuit et notamment aux débordements qui peuvent parfois avoir lieu au sein même des bars. Servir les commandes, gérer des clients mécontents, ou trop alcoolisés … Quel est réellement le quotidien des serveurs des bars ?

« Souvent je ne rentre pas chez moi avant 5h du matin »

 

Lors d’un après-midi ensoleillé, j’ai rencontré Lucas, 23 ans, serveur depuis peu dans un des bars les plus fréquentés de St Leu, le quartier festif d’Amiens. Pourquoi ce métier ? Lucas m’explique avoir eu envie de « faire une pause » dans ses études. Il est tombé un peu par hasard sur cette offre d’emploi. Il raconte des débuts difficiles et une certaine difficulté à encaisser le rythme. « On peut parfois enchaîner de 17h à la fermeture, vers 3h en général et après il faut ranger, nettoyer… Souvent je ne rentre pas chez moi avant 5h du matin. » En plus de devoir s’adapter à un rythme de vie et de travail peu ordinaire, il faut également un temps d’adaptation quant à l’organisation dans l’équipe. « C’est sûr qu’on ne se rend pas vraiment compte en tant que client, mais on a toute une organisation à respecter : tel serveur s’occupe de telle partie de la terrasse, un tel s’occupe uniquement du bar… C’est souvent difficile de trouver une organisation cohérente quand la fête est à son maximum. »

Si la majorité de la clientèle se montre respectueuse et polie, une autre partie peut se montrer rude, et parfois même violente. « Ce qui reste le plus contraignant, c’est de devoir gérer certains clients trop bourrés, et qui ne comprennent pas qu’on est pas des esclaves à leur service. »

Marion, 37 ans, est dans le milieu depuis 17 ans. « J’ai commencé jeune, j’avais à peine 20 ans, et en plus de ça, je suis une fille, et ça c’est ce qui a été le plus compliqué à gérer au début je pense. » En effet, il n’est pas rare que des clients, alcool aidant, se permettent des comportements déplacés envers les serveurs. « Je me souviens, à mes débuts, je me laissais marcher dessus. Des clients m’insultaient et je n’osais pas rétorquer. Maintenant, avec le temps j’ai appris. Il m’arrive régulièrement de refuser de servir un client, car son état ne le permet plus ou parce qu’il n’a pas été respectueux envers moi ou un de mes collègues. »

Pour se faire une place au sein de ce monde, il faut savoir s’imposer. « Ça on l’apprend vite », nous précise Lucas, qui a été, dès son premier soir, plongé en plein milieu d’une bagarre au sein de son bar. « Ça fait peur c’est sûr, mais il faut agir vite pour que ça n’impacte pas les autres clients. Heureusement, on a souvent des vigiles aux entrées des plus gros bars, pour justement aider à gérer ce genre de situation. »

« Il ne faut pas croire que le métier de serveur n’est rempli que de contraintes pour autant. On a aussi de bons clients, des habitués, qui sont toujours respectueux et compréhensifs. C’est d’ailleurs une grande majorité de clients qui le sont. » Marion nous explique également que l’entente dans l’équipe joue un grand rôle. « S’il y a des tensions dans l’équipe, ça se ressent au niveau du service et forcément, le rapport avec le client est moins bon. Mais on apprend avec le temps à faire abstraction des désaccords qui peuvent avoir lieu au sein de l’équipe. »

Au final, le métier de serveur demande une faculté à s’adapter à des difficultés spécifiques au monde de la nuit. La plus grande de ces difficultés reste d’appréhender les clients, leurs réactions, leurs besoins… Il faut savoir être polyvalent et respectueux, tout en connaissant les limites que les clients ne doivent et ne peuvent franchir.

Nina Laval
L2 Science politique

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