Roman, 18 ans, étudiant et Gilet Jaune.

       Durant plus d’un an, chaque samedi, les Gilets Jaunes se sont réunis dans le but de manifester contre les décisions du gouvernement. Quand on pense GJ, on pense travailleurs, mais j’y ai également rencontré des étudiants. C’est le cas de Roman Laniel. Roman a 18 ans, il est étudiant en science politique en L1 à l’Université Picardie Jules Verne d’Amiens. Il est présent dans la lutte depuis plus d’un an. Nous allons voir avec Roman que les Gilets Jaunes ne sont pas le fait d’une seule tranche d’âge de la société. La nouvelle génération qui entre ou va entrer dans le monde du travail est tout aussi concernée par cette lutte.

Gilets Jaunes : quelques rappels.

Le mouvement des Gilets Jaunes est l’un des plus importants mouvements sociaux qu’ait connu la France dans la période récente. C’est un mouvement de protestation peu structuré qui commence en France en octobre 2018 et qui s’étendra même au delà des frontières en Belgique par exemple. Ce mouvement social trouve son origine principalement sur les réseaux sociaux d’abord par le biais de nombreux appels à manifester de contre la hausse du prix des carburants automobiles, du fait de l’augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. De là, les rassemblements auront lieu essentiellement chaque samedi. A partir du mois de novembre 2018, la contestation s’organise autour de blocages illégaux de routes et ronds-points, ainsi que de manifestations. Ces protestations rassemblent surtout les habitants des zones rurales et périurbaines, mais s’organisent également dans des métropoles, et convergent à Paris, notamment sur l’avenue des Champs Élysées. Rapidement, les revendications du mouvement s’élargissent à d’autres domaines sociaux et politiques, et le mouvement des Gilets Jaunes devient une lutte contre le gouvernement d’Emmanuel Macron.

Lors des manifestations des milliers de personnes sont blessées par les forces de l’ordre. Des associations comme Amnesty International critiquent alors une conduite inadaptée du maintien de l’ordre, et des institutions comme l’ONU et le Conseil de l’Europe s’interrogent sur l’usage d’armes comme les grenades de désencerclement et les LBD.

Le gouvernement finit par renoncer à la hausse de la TICPE, et le Président de la République, annonce ensuite des mesures, entérinées par la loi portant sur les mesures d’urgence économiques et sociales, puis lance le grand débat national à l’issue duquel il annonce notamment une baisse d’impôts pour les classes moyennes et la réindexation des petites retraites. Mais le mouvement persiste.

« Le déclencheur de ma participation à la lutte des gilets jaunes n’est autre que la sensibilité aux injustices, criantes à mes yeux concernant ce mouvement. »

Roman : Je suis étudiant en première année de science politique. J’ai choisi ce cursus de par mon intérêt pour la politique française et notamment pour les différents mouvements sociaux, dont celui des gilets jaunes auquel j’ai « adhéré ».

Quelles sont tes conditions de vie ? As-tu des difficultés pour finir les fins de mois ?

Roman : Je fais partie de la classe moyenne grâce à mes parents. J’ai la chance d’avoir ces derniers qui me paient un logement sur Amiens pour mes études. J’ai des difficultés à boucler les fins de mois, mais je ne m’en plains pas.

Pourquoi être entré dans la lutte des Gilets Jaunes ?

Roman : Le déclencheur de ma participation à la lutte des gilets jaunes n’est autre que la sensibilité aux injustices, criantes à mes yeux concernant ce mouvement. De plus, j’ai pu être influencé par mon père qui a toujours été politisé à la gauche radicale. Je me suis intéressé à cette lutte lors de l’acte 10 environ, avec une certaine distance vis-à-vis des médias traditionnels qui à mon sens ne font preuve d’aucune neutralité sur ces questions. Alors, je me suis renseigné sur des médias alternatifs et indépendants comme « Le média pour tous » de Vincent Lapierre ou encore «Médiapart».

Te sens-tu soutenus dans la sphère personnelle comme dans la société ?

Roman : Je ne me suis jamais senti soutenu, dans la sphère personnelle comme dans la société, si ce n’est par mon père qui m’encourage à suivre mes ambitions politiques. Concernant la société, j’ai l’impression de nager à contre-courant alors qu’il est évident à mes yeux que nous fonçons dans le mur. Les gens ont des stéréotypes sur moi quand ils apprennent les combats idéologiques que je mène, alors même que je suis généralement tout le contraire de ce qu’ils peuvent penser de moi.

« Nous nous retrouvons place de la République. C’était comme un rêve pour moi. »

Comment s’est déroulée ta première manifestation à Paris ?

Roman : Ma première journée de mobilisation à Paris fut une expérience marquante pour moi. Ce jour-ci, je m’étais préparé mentalement aux conflits entre manifestants et forces de l’ordre, aux gaz lacrymogènes, aux
différentes grenades… Arrivé à Paris (pour l’une de mes premières visites à Paris), il faisait un temps particulièrement bon. Nous nous retrouvons à la place de la République. C’était comme un rêve pour moi. Arrivé là-bas, je vois des forces de l’ordre arriver en moto, nassant une partie des manifestants, et j’avoue avoir eu peur. La manifestation n’avait pas encore démarré que des tensions apparaissaient. Puis ils sont partis avec un homme. Ce jour-ci, il n’y eut qu’un tir de grenade lacrymogène lorsque notre cortège a essayé de partir en manifestation sauvage directement sur le périphérique. Je me souviens avoir été sous le choc de la puissance des palets lacrymogènes. Sinon, pour l’entièreté de la manifestation, tout s’est passé extrêmement bien : ni casse du côté des manifestants, ni bavure du côté des forces de l’ordre. Les gens y étaient extrêmement généreux, gentils et agréables. C’était ma première manifestation des gilets jaunes.

« De manifestations en manifestations, j’ai vu des militants saigner, hurler de douleur, et j’ai été témoin d’un homme éborgné, devant moi. »

Les autres jours de mobilisation t’ont-ils paru différents du premier ?

Roman : Les autres mobilisations m’ont paru bien différentes de ma première effectivement. Je suis vite retourné à Paris à la fréquence de deux fois par mois au début, et une fois par mois depuis. Ces manifestations se font de plus en plus tendues, avec des forces de l’ordre adoptant une posture provocatrice, même quand la manifestation qui n’est pas toujours tendue. De manifestations en manifestations, j’ai vu des militants saigner, hurler de douleur, et j’ai été témoin d’un homme éborgné, devant moi, alors qu’il ne présentait aucun danger et ne faisait que défiler.

Quelles sont la ou les revendications qui te semblent les plus importantes à faire passer ?

Roman : Deux revendications sont primordiales à mes yeux. En premier, je pense à la dignité humaine. Un travailleur doit pouvoir accéder à la dignité, il doit pouvoir vivre de son salaire, peu importe le métier. Ensuite, je pense au RIC : le référendum d’initiative citoyenne. En toutes matières, c’est-à-dire un RIC constituant, législatif, abrogatif et révocatoire. Ainsi, la souveraineté reviendrait au peuple pouvant décider de sa constitution, ses lois, et de ses élus. En seconde zone, on retrouve des revendications comme faire une transition écologique qualitative, le retour de l’Impôt sur la Fortune, le Frexit (…).

Y’a-t-il un ou plusieurs hommes politiques français actuels qui  te semblent proches de vos revendications et qui pourraient vous représenter ?

Roman : Plusieurs hommes politiques français sont proches de nos revendications, et l’avis est souvent unanime peu importe le bord politique de l’individu gilet jaune. François Ruffin est un homme qui nous représente bien. Sinon, je pourrais citer d’autres noms selon l’individu gilet jaune comme Jean-Luc Mélenchon (LFI), François Asselineau (UPR), Djordje Kuzmanovic (RS), Juan Branco (sans étiquette, avocat) ou encore
François Boulo (sans étiquette, avocat).

Que penses-tu d’Emmanuel Macron ?

Roman : Emmanuel Macron est un oligarque, servant les intérêts de ceux qui l’ont amené au pouvoir, les intérêts de la finance. Cet homme n’a rien de la carrure d’un président, il n’écoute pas le peuple, au contraire, le méprise (« traverser la rue pour trouver du travail ; jojo le gilet jaune ; qu’ils viennent me chercher ; (…) »). Rappelons que cet homme n’a été élu que par 18% des Français, soit à peine un quart de la population
Française. Il n’est pas légitime à mon sens. Je ne dis pas que d’autres le seraient plus, mais la Vè République est à bout de souffle, et il nous faut trouver une nouvelle République avec un nouvelle constitution.

Quelle est ta société idéale ?

Roman : Ma société idéale serait une société remplie de justice, de solidarité et donc de répartition des richesses.

D’après toi, quel média a le mieux compris votre mouvement ? Et lequel a le moins bien compris ?

Roman : Aucun média officiel n’a compris ce mouvement. Les seuls médias l’ayant compris sont des médias alternatifs et indépendants : Le Média, Le Média pour tous, Médiapart, RT France…. Je trouve ça incroyable de devoir me fournir en informations sur RT France qui est à mon sens un très bon média, mais qui est un média russe ! Nos médias officiels sont pourris jusqu’à l’os. Le média qui nous ait le moins compris, il n’y en a pas qu’un. A mon sens, ils nous ont tous compris, mais tournent les choses à leurs intérêts, prennent les images qui les arrangent afin de détourner l’information et cracher sur ce mouvement. Je pense alors essentiellement à BFMTV qui est à mon sens le média présidentiel, officieusement.

Qui sont pour toi les privilégiés ? Et à contrario qui sont pour toi les abandonnés par l’État ?

Roman : Les privilégiés sont une caste au pouvoir. Ce sont les oligarques au dessus de toutes lois morales qui asservissent les français et les peuples environnant afin de faire du bénéfice. Ces gens seront jugés.

 

Safia Ouabaid
L2 Science Politique



Articles publiés 1

Articles similaires

Commencez à saisir votre recherche ci-dessus et pressez Entrée pour rechercher. ESC pour annuler.

Retour en haut