Le monde fait face à une crise sanitaire depuis décembre 2019. Au-delà des répercussions humaines et économiques, tous les secteurs ont été touchés par la pandémie du Covid-19. S’il a fallu du temps pour que la situation des étudiants soit prise en compte par le Gouvernement français : la crise a permis de mettre en lumière certaines failles du système. Notamment sur le système d’aide financière pour les étudiants : la
bourse.
En 1877, dans un souci de venir en aide aux enfants d’origine modeste, le Gouvernement français met en place des aides scolaires exceptionnelles. La bourse s’est démocratisée en 1925 à l’ensemble des étudiants possédant le baccalauréat et des revenus inférieurs à un certain niveau. Selon un article publié dans Le Monde, le 5 décembre dernier, 26.34% des étudiants français touchaient la bourse en 2020.
Le droit de toucher la bourse se base sur des critères sociaux. En effet, selon le revenu brut global des parents et leur avis d’imposition, l’étudiant aura le droit ou non à la bourse. Ces critères vont également fixer à quel échelon appartient l’étudiant. Il existe au total 8 échelons différents : plus l’étudiant se situe dans un grand échelon : plus il a le droit à la bourse. Par exemple, pour savoir si un étudiant est éligible à la bourse pour l’année 2020-2021, ce sont les revenus bruts global de 2018 de ses parents qui vont être pris en compte, ainsi que l’avis d’imposition de 2019. Il y a ainsi un décalage entre la situation financière actuelle des étudiants et de la bourse qu’ils perçoivent. Ce décalage soulève parfois de l’indignation, de l’incompréhension ou encore un sentiment d’abandon chez les étudiants non-boursiers.
Les étudiants non-boursiers : une indépendance compliquée
Aujourd’hui, les étudiants non-boursiers demeurent majoritaires en France. Pour eux, la vie étudiante n’est pas un long fleuve tranquille, surtout sur le plan financier, dépendant de leurs parents pour pouvoir vivre décemment.
« Sur 1 mois, je dépends surtout de mes parents qui m’aident pour mes courses, l’essence et le loyer » affirme Margaux, scolarisée en deuxième année de classe préparatoire. Margaux vit à plus de 150 km du domicile familial, et se rend compte que finalement, elle ne dispose pas d’une véritable autonomie financière, hormis sur les loisirs, pour lesquels elle dit les payer elle-même.
Valentine, elle, avoue avoir de la chance d’avoir des parents qui sont derrière elle, et qui la soutiennent financièrement. Cette étudiante en Bachelor en communication, fille de promoteur immobilier déclare : “pour les choses vitales, les courses, le loyer, heureusement que mes parents sont là”. Margaux et Valentine ont un point commun, elles ne peuvent pas travailler parallèlement aux heures de cours. L’une car la charge de travail est assez conséquente, l’autre du fait de son âge. N’étant pas majeure, il lui est compliqué de trouver un travail, non seulement pendant l’année scolaire, mais également durant l’été.
Depuis 1 an maintenant, la crise du coronavirus frappe en France et dans le monde entier. Cet événement aux conséquences médicales et sanitaires extraordinaires, ne semble pas avoir bousculé le portefeuille de ces étudiantes non-boursières. “La Covid n’a pas forcement accentué mes problèmes, car mes dépenses qui sont essentiellement dans les loisirs, comme le cinéma ou les restaurants, sont quasiment nulles. Voilà où je fais mes économies” déclare ironiquement Margaux. Si la Covid n’a pas forcement eu d’impact sur le portefeuille de nos étudiantes non-boursières, le sujet du système de bourse lui les alertent.
Le système de bourse actuel en France est “très, très, très inégal” affirme Margaux, se plaignant que l’État français “ne se préoccupe pas des étudiants non-boursiers, car aujourd’hui si nous ne sommes pas boursiers, nous n’avons quasiment aucune aide”. Elle ajoute : “ce qui me surprend le plus, ce n’est pas tellement que l’on aide des personnes et pas des autres, mais le fait que l’on soit dans l’extrême. Donner autant d’argent aux étudiants boursiers et ne pas en donner du tout aux non-boursiers, sous prétexte que leurs parents ont “assez d’argent” pour satisfaire le besoin de leurs enfants ».
Valentine souligne le fait que la bourse est une très bonne chose, que grâce à celle-ci les personnes provenant de n’importe quel horizon social pouvait faire des études : “on a de la chance en France d’avoir autant d’aides car c’est vrai qu’il y a tellement de jeunes dans des situations défavorisées qui ont la possibilité de faire des études grâce à la bourse“. Rappelant dans le même temps : “le système n’est pas forcement équitable, et qu’au final les inégalités qui sont censées être combattues avec la bourse, en créer des nouvelles entre les étudiants qui touchent de la bourse et les autres”.
Même si elles ne sont pas boursières, Valentine et Margaux peuvent profiter de certains dispositifs mis en place par le gouvernement français en période de Covid, à savoir les repas à 1€ dans les restaurants universitaires ainsi que les chèques psy qui permettent aux étudiants en détresse d’avoir des séances gratuites de soutien psychologique. Si les deux étudiantes qualifient ces dispositifs de “très bonne initiative”, Margaux émet tout de même des réserves : “ce dispositif souffre d’un manque de communication, j’en ai entendu parler seulement 1 mois après son lancement. De plus, après m’être renseignée, il faut que je fasse plus de 50 km pour pouvoir trouver un restaurant universitaire qui propose ce type de dispositif”.
Aujourd’hui, Margaux et Valentine se sentent abandonnées par l’État.
Je me sens lésée comparé aux étudiants boursiers ajouta Margaux quand Valentine affirme : qu’elle se sent abandonnée, délaissée. « Le concept de bourse est bon, mais devrait être étendu à l’ensemble des étudiants.
Les étudiants boursiers : un système nécessaire mais inégalitaire
“Je ne suis pas un bon exemple de boursière qui en bave pour finir la fin du mois” déclare Charline, 21 ans. Cette étudiante en médecine, appartient à l’échelon 2 de la bourse, et perçoit ainsi 260€ par mois. A cette somme se rajoute 135€ d’aide personnalisée au logement, et 325€ de ses parents. De plus, elle ne paye aucun frais de transport, et ses parents lui payent parfois les courses. L’étudiante nous explique ainsi qu’elle arrive à mettre 100€ par mois de côté.
As-tu été impactée par la crise du Covid-19 ?
Non, pendant les confinements je suis retournée chez mes parents, je n’ai donc dû payé que mon loyer et mes charges obligatoires. J’ai donc mis le reste de côté. En plus les boursiers, nous avons eu le droit à une prime de 150€.
Consciente qu’elle est une exception, elle explique qu’elle trouve que le système est “mal fait”. “La bourse est nécessaire pour beaucoup d’étudiants afin de réaliser les études qu’ils souhaitent. Cependant il y a différentes situations inégalitaires, par exemple il y a des gens qui sont non-boursiers car leurs parents gagnent trop selon les critères mais ne peuvent ou ne veulent pas aider leurs enfants. Et des étudiants boursiers à qui cela ne suffit pas”.
Elle définit le repas à 1€ pour tous les étudiants comme étant “la meilleure idée qu’ils aient eue, j’espère que ça va durer”. En effet, l’étudiante en médecine salue l’initiative de ne plus réserver ce repas seulement aux boursiers car “c’est pas parce que t’es pas boursier que t’es blindé”.
Léa, étudiante de 20 ans en droit, touche la bourse ainsi que les aides personnalisées au logement. Ce sont les parents de l’étudiante qui lui financent l’ensemble de ses dépenses : loyer, courses, vêtements… Bien que les aides qu’ils perçoivent ne leurs permettent pas de financer intégralement ses dépenses, elles leurs sont nécessaires.
Léa salue l’initiative du Gouvernement français d’aider les étudiants :
Je pense que c’est super d’aider les étudiants pour leurs études, sans bourse, beaucoup ne pourraient pas réaliser leur projet”. Elle ajoute cependant : “Je reproche deux choses au système : certains reçoivent plus que de besoin et arrivent à se faire du bénéfice dessus, alors que ce n’est pas le but. Les échelons ne devraient pas exister, le barème devrait être vu au cas par cas. Certains parents n’aident pas leurs enfants. »
Au sujet des repas à 1€, l’étudiante en droit trouve que “c’est une super initiative”. La même réponse est apportée lorsqu’on l’interroge sur les chèques psy mis en place par l’État. Elle ajoute cependant que l’idée est inachevée, une séance ne suffisant pas.
La précarité des étudiants s’est accentuée avec le Covid-19, mais cette pandémie n’a fait que mettre en lumière les problèmes financiers auxquels ils étaient confrontés, et cela bien avant la crise. Le système de bourse est en effet critiquable, à cause de la façon dont il est calculé. De plus, seulement 26.34% des étudiants étaient boursiers en 2020. Ce qui reste relativement peu.
Grâce à la pandémie, la volonté de mettre en place un Revenu de Solidarité Active pour les jeunes a émergé. Il faut en effet avoir 25 ans pour pouvoir toucher le RSA aujourd’hui. La proposition a cependant été rejetée par le Premier ministre Jean Castex.
Alors, quel avenir pour les étudiants ?
Rayan Amimer et Manon Langelez
L2 Science Politique