« Les femmes n’y connaissent rien », « remettez-le dans sa cage le noir »… Sexisme et racisme ordinaires dans le basket amateur.

Football, handball, rugby… aucun sport n’est épargné par les discriminations de tous types. Nous allons voir avec Nadia et Yoann que le basket n’y échappe pas non plus.

Le racisme dans le sport a toujours existé et il semble toujours aussi courant et banal. Il ne se passe pas une semaine sans qu’un rapport soit rédigé pour discrimination ou mauvais comportement au sein des gymnases français. Le sport professionnel n’est pas la seule victime de discrimination. Le sport amateur est aussi fortement touché, notamment par les discriminations raciales et sexistes. Le racisme y semble plus « décomplexé » dans le domaine amateur. Un travail serait nécessaire pour combattre cela. Nous allons voir à travers les deux témoignages que le chemin sera périlleux.

Aussi bien pour les joueurs que pour les coachs et les arbitres, les agressions verbales et physiques de type raciale ou sexiste ne sont pas faciles à vivre. Nous allons voir que les discriminations sont bien présentes dans le basket, et même au niveau amateur.

Pour le Larousse, la discrimination est le fait de « distinguer et de traiter différemment une personne par rapport au reste de la collectivité ou par rapport à une autre personne ». Il existe plusieurs types de discrimination. La discrimination indirecte est une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes. La discrimination directe est une discrimination délibérée, nettement visible et revendiquée. La discrimination positive est le fait de favoriser une catégorie donnée de la population qui est ou a été discriminée par rapport à certaines caractéristiques.

La discrimination peut être exprimée de différentes manières, par les actes, par la parole, par des gestes… Nadia, une jeune femme d’origine maghrébine âgée de 25 ans, qui pratique le basket depuis 20 ans. Elle a joué durant son adolescence à haut niveau (championnat de France) et elle joue désormais à un niveau régional. Yoann, lui, est un jeune homme d’origine haïtienne âgé de 20 ans, et qui pratique depuis 7 ans. Il a également joué en championnat de France, puis en National 3 et en championnat régional. Tous deux nous ont fait part de leurs expériences discriminatoires au sein de leur pratique du basket. Voici des extraits de leurs entretiens qui montrent clairement que la discrimination, quelle soit raciale ou sexiste, existe dans le basket, et qu’elle est même omniprésente dans le niveau professionnel et amateur.

Première interview de la jeune femme que nous appellerons Nadia :

Intervieweur : Est-ce que tu as déjà été témoin ou acteur d’un match qui s’est mal déroulé et pour quelles raisons ? « Mal déroulé » dans le sens où il y a eu des insultes ou des tensions.

Nadia : Oui, oui. Très souvent les matchs étaient interrompus pour mauvais comportement ou supporters intenables, c’est pénible pour nous, joueuses, qui avons juste envie de jouer.

Tu fais référence à quoi quand tu parles de « mauvais comportement ou supporters intenables » ?

Des joueurs qui insultent à tout va, des supporteurs qui eux aussi insultent tout le monde, eux ce sont les pires : ils insultent tout le monde, joueurs, arbitres, coachs, et même entre eux ils se disputent tout le temps.

C’est déjà parti loin ces disputes ?

Oui, il y a plein de bagarre et des bagarres qui en sont venus à la fédération française de basket. Une fois, il y a un parent qui a insulté une gamine sur un terrain de « bamboula », je suis sorti de mes gonds et j’allais en venir aux mains. Mais dans ces moments-là faut garder son sang-froid. La personne est passée en conseil, et il a été interdit de venir au gymnase.

Est-ce que toi, personnellement, t’as déjà vécu des discriminations ?

Des discriminations raciales non, pas souvent mais des discriminations sexistes ça m’arrive tout le temps. Encore maintenant, quand je suis coach ou en formation, quand je suis la seule femme et que ça suppose que je sois incompétente, ou quand les coachs adverses ne me respectent pas car « les femmes ne connaissent rien au basket ». C’est n’importe quoi ! Et je dois supporter ça presque chaque week-end. Il faut supporter les discriminations sexistes, et en plus il faut gérer les parents des joueurs, les coachs adverses… c’est compliqué.

T’as déjà vécu des agressions ?

Je ne sais pas si on peut considérer ça comme une agression, je dirais plutôt harcèlement : comme je suis une femme dans un milieu masculin on se permet d’avoir des réflexions et remarques déplacées. On se permet de me draguer, d’être tactile avec moi ce que je déteste. Et ça arrive très souvent. J’ai annulé plusieurs fois ma venue à des formations pour ça car je savais qu’il y aurait des hommes qui viendraient me parler, être proches avec moi et non merci je ne veux pas de ça (souffle agacé).

L’interview de cette jeune femme nous montre qu’il existe aussi des discriminations sexistes qui peuvent entraver et freiner la carrière sportive. Nadia parle même de harcèlement. Un autre joueur nous parle plutôt lui de discrimination raciale. Nous l’appellerons Yoann.

Intervieweur :  Est-ce que tu as déjà été témoin ou acteur d’un match qui s’est mal déroulé et pour quelles raisons ? « Mal déroulé » dans le sens où il y a eu des insultes ou des tensions.

Yoann : Oui. J’ai déjà assisté à quelques matchs qui se sont mal déroulés, des matchs qui ont terminé dans la violence.

Pourquoi il y a eu de la violence ?

Pour des tensions, par rapport aux comportements de certains joueurs, ou alors par rapport à l’arbitrage. Certains joueurs sont violents parce qu’ils ont un problème avec nous ou parce qu’ils ne sont pas contents par rapport au match, tout dépend du contexte. Les raisons, elles peuvent être très différentes.

Est-ce que tu as déjà vu du racisme dans le basket ?

Oui, j’ai déjà vu et vécu du racisme autant de la part des joueurs que de la part des spectateurs. Etant donné que je suis noir, mon « surplus de mélanine » peut attirer la haine de certains.

A quelles insultes tu as déjà fait face notamment ?

« Sale noir », mais en général, c’est du racisme plutôt par les actes, des actes haineux, beaucoup de violence alors qu’il ne devrait pas y en avoir. Par rapport à mon coach aussi, il faisait des blagues racistes envers mes coéquipiers et moi. Un jour, je cherchais un coéquipier qui n’était pas à l’entrainement et notre coach a dit en parlant de la personne qu’on cherchait : « allez le chercher dans les champs ». Ça m’a choqué, et je n’ai jamais oublié.

Ça t’es plus arrivé avec le staff de tes clubs ou avec les autres joueurs et spectateurs ?

Plus avec les spectateurs.

Tu peux me raconter une anecdote que t’as vécu ou que tu as vu avec un spectateur ?

Un jour, je suis parti voir un match de basket à Gauchy et des spectateurs de Gauchy ont eu un comportement assez raciste envers les joueurs d’une équipe adverse. J’ai entendu des mots fuser comme « remettez-le dans sa cage le noir ».

Ce sont des propos durs que nous témoigne l’enquêté. C’est la partie sombre du sport que nous montrent les deux enquêtés. Il est important que de tels comportements ne soient pas relayés durant les rencontres sportives. Les jeunes, étant très présents dans cette pratique, il est important qu’ils n’en soient pas témoins et ne soient pas influencés par ce genre de pratique discriminatoire.

Selon une enquête départementale réalisée par la direction départementale de la cohésion sociale de la Seine-Maritime (DDCS) et le Département de Seine-Maritime sur le sport et les discriminations en Seine-Maritime, 96,6% des personnes interrogées durant l’enquête (dirigeants, salariés, sportifs et autres) pensent qu’il existe de la discrimination dans le sport. 59% des personnes peuvent rencontrer des difficultés du fait se leur apparence physique. De plus, pour 51% des personnes interrogées, l’origine peut représenter un obstacle durant la carrière sportive.

Rappelons que le sport est un moyen de découvrir de nouvelles choses, de se socialiser avec une dimension collective et de partage, de se rassembler autour d’une passion, et non dans un espace de haine et d’insulte. Malgré l’enjeu important de certaines rencontres, il ne faut pas céder aux insultes et il faut faire preuve de contrôle. Rappelons aussi que la discrimination est interdite par la loi et il est important de la combattre.

Louna Fali
L2 Science Politique

Sources :

http://doc.semc.sports.gouv.fr/documents/Public/agir_contre_discriminations_enquete_171114.pdf

http://www.egalite-professionnelle.cgt.fr/difference-entre-discrimination-directe-indirecte/

https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2009-6-page-71.htm

https://www.cairn.info/sport-et-discriminations-en-europe–9789287167217-page-9.htm

https://www.ffbb.com/actus/lutte-contre-le-racisme

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