La drogue : une roulette russe. Apports et limites du « testing » pour les consommateurs de stupéfiants.

L’histoire des drogues se fond dans l’histoire des hommes. Les drogues et leurs usagers sont abondamment présents dans la littérature et les arts. Le mot lui-même mélange santé (médicament) et maladie (toxique), bien-être et mal-être, humanité et dangerosité sociale.

La drogue en elle-même est un élément de définition des normes de vie en société : tolérance ou intolérance, intégration ou exclusion.

Trois périodes sont à considérer : le temps de la curiosité et de l’enthousiasme où le savoir-vivre passe par l’échange de drogues entre pairs (XVI-XVIII-ème siècle) ; le temps de la démocratisation de leurs usages, qui commence à inquiéter la gent médicale (XIX-ème siècle), et enfin le temps où la réglementation, voire l’interdiction des drogues (comme en France) provoque la disqualification sociale des usagers.

L’interdiction de toute drogue pousse t-elle à la (mauvaise) consommation de drogue ?

Il existe au sein de l’Europe le testing. En Suisse, un nouveau dispositif a été mis en place, permettant de vérifier la qualité de la drogue. Le testing est un contrôle de qualité de la drogue que l’on possède. Les personnes intéressées peuvent remettre un échantillon des stupéfiants qu’elles détiennent et celui-ci sera analysé en laboratoire.

Ce test ne permet de connaître ni la pureté, ni les proportions de produits psychotropes, mais il permet de mettre en évidence, la présence ou non de certaines molécules proches.

Cela renforce en Suisse une forme de prévention des risques liés à la consommation des stupéfiants. Le plus connu est le testing concernant l’ecstasy et les amphétamines.

En Europe, le testing est pratiqué depuis les années 1990 dans différents pays avec parfois la mise en place de réseaux de sites de testing. Dès 1990, les Pays-Bas commencent un programme intitulé Drugs Information and Monitoring System (D.I.M.S). En France, Le testing a été mis en place en 1990, puis interdit en 2005, ne réduisant pas le nombre d’overdoses. La mise en œuvre de ce test a été illégale en France grâce au décret du 25 avril 2005 qui stipule que « l’analyse des produits sur site, permettant uniquement de prédire si la substance recherchée est présente ou non, sans permettre une identification des substances entrant dans la composition des comprimés (notamment réaction colorimétrique de types Marquis) n’est pas autorisée ». La politique de réduction des risques liés à l’usage de drogues se voit ainsi amputée d’un volet essentiel. Cependant, il a été autorisé avec certaines restrictions en 2016.

Le testing permettrait la réduction des risques d’overdose ou de mauvais dosages des drogues et permettrait de rapprocher la diffusion des messages de prévention en permettant la transmission orale par des spécialistes. En interdisant le testing, le gouvernement privilégie la forte répression et la pénalisation de la consommation de stupéfiants.

« Il est mort d’une dose d’ecstasy, et qu’il avait fractionnée »

Martin Chassang

Ce sujet du testing est devenu tabou au sein des politiques. Or, si la drogue tue en nombre, la drogue non-testée peut s’avérer plus dangereuse encore. Nous avons rencontré Martin Chassang, père d’un jeune homme de 21 ans décédé… d’une seule pillule d’esctasy, pourtant fractionnée pour ingérer une dose moins « forte ». Depuis, Martin Chassang a mis en place un mouvement sur Facebook et sur Instagram intitulé « onelifenoesctasy » qui a pour but de faire de la prévention contre la drogue dure et engager une certaine lutte face aux risques encourus par les consommateurs. Il a également créé une association du nom de « one life… for Louis » qui est la continuité de son mouvement sur les réseaux sociaux.

Témoignage de Martin Chassang, père de Louis, victime d’une seule dose d’ecstasy
21 février 2020

lien: https://www.facebook.com/OneLifeNoEcsta/

lien: https://instagram.com/onelifenoecstasy?igshid=ifu5hmmspzvg

Image de l’association « onelifenoecstasy » crée pour recueillir des témoignages des familles endeuillées par la mort d’un de leur proche à cause de la drogue.

Effondré par la douleur, Martin Chassang est désemparé par le nombre de décès liés à la prise de drogue et via tous les témoignages qu’il reçoit sur Facebook.

La mise en place du testing ne réduirait peut-être pas les consommations de tous les consommateurs, mais chaque consommateur que l’on a interrogé est enthousiasmé par le fait de pouvoir connaître le dosage et la composition exacte de ce qu’il consomme.

Le testing pourrait être à l’origine d’une véritable campagne de prévention. Cependant, nous avons voulu connaître l’avis de l’autorité publique tels que les gendarmes. C’est pourquoi nous avons interviewé un gendarme venant de Brest (qui restera anonyme) via une conversation téléphonique.

J.M : Comment percevez-vous la drogue ?

Gendarme : C’est un véritable fléau, un certain effet de mode aujourd’hui. Il y a de plus en plus de drogue partout. C’est un certain besoin qu’ont les jeunes d’après mon expérience.

J.M : Faut-il la légaliser ?

Gendarme : Oui peut-être, en tout cas si on la légalise, il faudrait l’encadrer. Cela pourrait enrayer les trafics mais cependant conforterait les personnes dans le fait que l’usage de la drogue n’est pas dangereux. Il faudrait donc mettre en place un système d’encadrement dans des salles et ne surtout pas laisser quelqu’un sous l’emprise de drogue conduire.

J.M : Avez-vous déjà assisté à des overdoses ?

Gendarme : Non, mais quelqu’un en manque, oui.

J.M : Que pensez-vous du testing ?

Gendarme : Oui je pense que c’est une bonne idée de le remettre en place, il n’y a rien de mieux pour faire une prévention et informer le consommateur de ce qu’il consomme.

J.M : Que pensez-vous des consommateurs ?

Gendarme : Je pense qu’ils ne se rendent pas compte de ce qu’ils font à leur santé ou qu’ils peuvent faire aux autres, sur la route par exemple. Qu’un consommateur se drogue chez lui, je ne vois pas forcément le souci. Mais qu’il se drogue et prenne le volant m’embête puisqu’il met la vie d’autrui en danger.

J.M : Que pensez-vous des vendeurs ?

Gendarme : Je pense qu’ils sont très intelligents, et que le principal problème de la drogue vient d’eux. Au sein de la gendarmerie, on attaque plus les revendeurs que celui qu’on va attraper avec sa consommation personnelle.

J.M : Comment se fait-il que vous ne remontiez pas de façon rapide aux grossistes ou au petit vendeur ?

Gendarme : Croyez-moi, on essaie, le processus est long et minutieux, certains changent même d’identité pour s’infiltrer. Mais cependant, il reste difficile pour nous de remonter jusqu’à eux, c’est certain. C’est un long travail qui demande beaucoup de patience.

Le fléau de la drogue en milieu festif

La drogue en milieu festif est devenue un véritable fléau. Les consommateurs n’ont même plus besoin de contacter les vendeurs, c’est eux même qui viennent au contact des festivaliers. En effet, le nombre de vendeurs en soirée est conséquent et malgré la fouille de chaque individu à l’entrée, certains passent à travers les mailles du filet et réussissent à faire rentrer de la drogue.

Témoignage d’un jeune consommateur de drogue en milieu festif.

L’association Charonne

L’analyse de la drogue en vue d’informer le consommateur est autorisée en France depuis 2016 avec la LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (1).

Depuis 2009, l’association Charonne coordonne le dispositif SINTES Paris (Système d’identification national des toxiques et substances) pour l’OFDT (Observatoire français des drogues et toxicomanies). SINTES propose une analyse de la drogue. Cependant, l’obtention des résultats est parfois longue et peut aller jusqu’à deux, voire trois semaines de délai. L’association Charonne a souhaité mettre à disposition des usagers un autre outil d’analyse de drogue, complémentaire de SINTES, afin de réduire les risques liés aux usages. Le testing pourrait donc permettre au consommateur de connaitre la composition de sa drogue et ainsi réduire le risque d’overdose.
Ainsi depuis 2012, dans le cadre d’un partenariat conventionné avec Médecins du Monde puis l’association Sida Paroles, trois établissements de l’association proposent donc aux usagers un dispositif global d’analyse de drogues. Une fois par an, l’association Charonne participe à une journée d’échange programmée par MdM, afin de mettre en commun leurs avancées et difficultés de terrain avec l’ensemble du réseau national porté par MdM (13 partenaires hors Île-de-France)
Depuis aout 2016, l’unité mobile du Caarud B18 de Charonne intègre le laboratoire de l’association Sida Paroles et expérimente l’analyse de drogues in situ, réduisant ainsi encore les délais de résultat (30 minutes) et permettant aux usagers de découvrir concrètement l’outil d’analyse utilisé.

lien: https://charonne-asso.fr/

Nous avons interviewé un consommateur de cannabis pour essayer de comprendre le point de vue des consommateurs de drogue douce et leur ressenti face au testing.

« Il faut savoir se donner des limites »

Clément, 20 ans.

Clément, 20 ans, consommateur régulier nous fait part de son expérience avec la drogue douce.

P.P : Quand as-tu commencé à consommer de la drogue ?

Clément : J’ai commencé à consommer de la drogue à la fin de mon bac, dès que j’ai commencé à habiter seul, à être indépendant.

P.P : Qu’est ce qui t’a donné envie ?

Clément : La première fois que j’ai consommé du cannabis, c’était seulement pour tester, j’ai voulu voir les effets que ça pouvait produire sur mon corps et mon esprit, c’était une sorte de curiosité. C’est ma génération qui veut ça. Peut être que si j’étais né 10 ans avant, ça aurait été different.

P.P : Quelle est la fréquence de tes prises ?

Clément : Je consomme tous les jours si cela m’est possible, environ 2 à 3 fois par jour et un peu plus le week end.

P.P : Consommes-tu seulement quand tu es seul ou aussi entouré ?

Clément : La plupart du temps, je commence seul mais lorsque je suis avec des amis, je consomme également, même si eux ne consomment pas.

P.P : Depuis le moment où tu as commencé à consommer, remarques-tu un changement sur ton corps au niveau des effets ?

Clément : Oui, cela change. Au début, les effets sont forts présents mais avec l’habitude, c’est devenu différent, les effets sont atténués. Au début, c’est fort. Parfois, tu peux avoir envie de vomir et au fur et à mesure, tu n’as plus que les effets cool qui restent.

P.P : Qu’entends-tu par « effets cool » ?

Clément : On se sent détendu, et donc moins stressé forcément. Cependant, il y a quelques effets qui peuvent être perçus comme négatifs, comme par exemple la baisse de réflexe. Et puis parfois, la luminosité m’agresse la vue.

P.P : Au niveau des dépenses, combien cela te coute- t-il par mois environ? Est ce que parfois, c’est compliqué pour toi au niveau financier ?

Clément : Cela me coute environ 40 euros par mois. Ça ne me pose pas de problème car j’ai une activité professionnelle.

P.P : Es tu conscient qu’il peut y avoir des risques?

Clément : Il faut savoir se donner des limites, c’est important. Ne pas conduire lorsque l’on vient de consommer. Laisser un laps de temps afin de pouvoir avoir un contrôle sur soi suffisant.

P.P : As-tu déjà entendu parler du testing ?

Clément : Non

P.P : Si par exemple, tu pouvais savoir ce qu’il y a dans ce que tu consommes, est ce que tu ferais plus attention aux composants et prendrais-tu certaines mesures si c’est nécessaire ? Et trouves tu que se soit une bonne chose de pouvoir le faire?

Clément : Non, parce que je pense que pour moi, ça ne m’apporterait rien donc je ne prendrais pas de mesures. Sinon oui, je trouve que ça reste une bonne chose de pouvoir être informé sur ce que l’on consomme.

La drogue représente-t-elle un danger ?

« Les jeunes ne se doutent pas du danger qu’ils peuvent encourir »

Techno+

Techno + est une organisation qui prévient des risques rencontrés en soirée.
Depuis 1995 Techno+ intervient dans les fêtes techno pour réduire les risques des pratiques festives et promouvoir la culture techno. L’association est portée et animée par des équipes de volontaires bénévoles amateurs de fêtes libre et d’expériences psycho-actives. (https://technoplus.org/)

En effet, les drogues ont un effet qui peuvent être puissant pour le cerveau et avoir des conséquences irréversibles. Il est impossible d’expliquer tous les risques liés à l’ensemble des combinaisons possibles de drogues, prises une à une ou en mélange. Par exemple, lorsque l’on prend de la cocaïne avec de l’ecstasy, cela annule l’effet de l’ecstasy. Cependant, lorsque l’on additionne deux dépresseurs respiratoires aux ralentisseurs cardiaques, tel que l’alcool, la kétamine, l’héroïne… cela crée un risque important de perte de connaissance et de dépression respiratoire. Il faudrait une encyclopédie, et tous les risques n’ont pas encore été établis, en sachant que chaque être humain réagit de façon différent. Mais il est certain que le fait de mélanger des drogues augmente les risques.

Il est important pour un consommateur d’avoir un minimum de connaissance sur l’effet apporté par la drogue qu’il consomme et prévenir le consommateur qu’il peut atténuer les overdoses et prévenir le risque. Nous savons que les produits que les vendeurs proposent ne sont pas des produits sûrs. Et ces produits sont pourtant vendus, même si leur composition reste méconnue.

Aux yeux de la justice, que signifie « être vendeur » ?

La catégorie « usager-revendeur » n’existe pas dans le code pénal. En effet, celui-ci est automatiquement qualifié de vendeur. Seules les autorités policières ou la gendarmerie parlent « d’usager-revendeur », qui signifie se livrer à des activités de revente de sa propre drogue, pour financer sa propre consommation le plus souvent. Nous avons donc identifié un certain nombre de causes qui peuvent pousser un usager à revendre, en discutant avec une femme de 21 ans qui restera anonyme.

En effet, la revente peut être motivée par le besoin de  se faire un peu d’argent, pour consommer à l’œil, pour avoir un plan drogue qui est sûr, pour se créer un réseau et rencontrer des gens influents dans le milieu de la vente de drogue et donc se donner une certaine importance aux yeux des autres. De même, la fréquentation et l’influence des amis qui revendent peuvent pousser, par mimétisme, ou envie de reconnaissance, d’intégrer un réseau.  

Mais revendre des produits pousse à la consommation, et c’est une situation très difficile à gérer : on risque d’entrer dans une sorte de cercle vicieux qui donne au produit et au business plus de place dans sa vie et fait augmenter les risques pris par le revendeur (justice, santé). Sortir de l’usage-revente peut paraitre difficile mais ce n’est pas impossible. N’oubliez pas qu’en parler est important.

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